Les prix pratiqués par les opticiens.
Le législateur doit ouvrir les yeux
Président de l'UFC-Que Choisir
Non seulement le prix des lunettes vendues en France est supporté à 94 % par les consommateurs et leur complémentaires santé, mais il est, étrangement, 50 % plus élevé que dans les autres pays européens. Face à un tel constat, l’UFC-Que Choisir a examiné à la loupe le secteur de la distribution des lunettes dans l’Hexagone. Résultat, une mise au point s’impose. En effet, comment admettre que, du fait d’une régulation défaillante, les opticiens, dont le nombre excède largement les besoins des consommateurs, engrangent des marges bénéficiaires brutes de 233 % ? Pourquoi les pouvoirs publics, si soucieux de défendre le pouvoir d’achat des ménages, sont-ils restés inactifs sur le sujet jusqu’à présent ? Avec plus de la moitié des Français qui portent des lunettes, il s’agit clairement d’une question de santé publique. Le ministère de la Santé, qui a reconnu en fin d’année la nécessité d’une régulation, semble enfin recouvrer la vue. La solution, prônée par l’UFC-Que Choisir, consiste en la généralisation des réseaux de soins (le prix des lunettes baisse pour les assurés qui passent par l’opticien conseillé par leur complémentaire). Mais elle se fait attendre. En effet, la proposition de loi visant à généraliser ces réseaux est en souffrance au Parlement depuis le mois de novembre. J’entends que notre dossier permette aux parlementaires d’y voir mieux.
Surcoûts de l’optique
Les marges exorbitantes des opticiens
Dans le cadre de la réflexion gouvernementale sur la régulation du prix des lunettes, l’UFC-Que Choisir rend publique aujourd’hui une étude exclusive sur le poids des opticiens dans l’origine des surcoûts massifs payés par les consommateurs, et en appelle à la généralisation des réseaux de soins.
Coûteuses (avec un prix de vente moyen de 470 euros), mal prises en charge par l’Assurance Maladie (entre 4,44 € et 31,14 € selon la correction), les lunettes sont la deuxième cause de renoncement aux soins en France. Rien de surprenant, puisque le consommateur conserve à sa charge une dépense de 205 € en moyenne, qui atteint 445 € s’il n’a pas de complémentaire santé. Notre étude met en évidence le poids des frais de distribution, qui représentent 70 % du prix de vente hors taxes et expliquent que les consommateurs français aient le budget « lunettes » le plus lourd d’Europe (50 % plus élevé que la moyenne).
Marge des opticiens, attention les yeux : 233 % de taux de marge brute !
Un équipement est vendu en moyenne 393 € HT (soit 470 € TTC), 3,3 fois son prix d’achat par l’opticien (118 € seulement) ! Il dégage donc une marge brute de 275 €, soit un taux de marge de 233 %. Sur les verres, la marge brute moyenne atteint même 317 % ! Le niveau de marge excessif des distributeurs sert à couvrir des frais fixes trop élevés et des dépenses de marketing inconsidérées.
Activité quotidienne des opticiens : 2,8 paires de verres, bonjour les dégâts !
L’augmentation exponentielle du nombre de points de vente (+ 47 % depuis 2000), décorrélée de la croissance des besoins de la population (+ 13 % sur la même période), aboutit à une sous-productivité du réseau. Chaque magasin ne vend ainsi que 2,8 paires de lunettes par jour ouvré en moyenne, sur lesquelles l’ensemble des coûts fixes du magasin sont répercutés. Résultat, cette multiplication injustifiée génère un surcoût de 510 millions d’euros par an pour les consommateurs, soit 54 € par paire vendue.
« Secondes paires offertes » : la très chère pratique marketing
Deuxième facteur d’inflation, les dépenses de marketing : celles-ci atteignent 580 millions d’euros par an, soit 60 € par paire vendue. Dans ce cadre, il convient de dénoncer la pratique des « secondes paires gratuites ». Distribuées dans une vente sur trois aujourd’hui, celles-ci n’ont d’offertes que le nom, puisqu’elles plombent in fine la facture de tous les consommateurs de 120 millions d’euros par an !
Les réseaux de soins, la solution pour faire baisser les prix
Ces prix excessifs ont pu se développer en l’absence de régulation publique, et grâce à une complexité des produits d’optique et à une opacité tarifaire qui empêchent le consommateur seul de faire réellement jouer la concurrence. Dès lors, celui-ci a intérêt à la généralisation des réseaux de soins des complémentaires santé, dans lesquels ces dernières négocient avec des opticiens partenaires des tarifs plus faibles. Mais faute pour les mutuelles de pouvoir légalement différencier le niveau de remboursement de leurs adhérents, les réseaux sont aujourd’hui empêchés de jouer à plein leur effet pro-concurrentiel dans l’optique.
C’est pourquoi l’UFC-Que Choisir, attachée à des soins de qualité accessibles à tous, demande aujourd’hui :
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L’inscription à l’ordre du jour du Sénat de la proposition de loi visant à permettre aux mutuelles de mettre en place des réseaux de soins, adoptée en novembre 2012 par l’Assemblée nationale ;
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Un encadrement de l’activité de ces réseaux, conformément aux recommandations de l’Autorité de la concurrence, pour s’assurer des effets pro-concurrentiels à court comme à long terme de leur généralisation.
Source : communiqué Que Choisir du 23 avril 2013
Mercredi, 15 Mai 2013 08:46 |
Invitée par la Fédération nationale des opticiens de France à s'expliquer sur certaines modalités, contestables à ses yeux, de sa récente enquête sur le marché de l'optique, l'association UFC-Que Choisir n'a pas donné suite.
"Trop c’est trop ! Les opticiens en ont marre des attaques médiatiques répétées dont ils sont la cible". Le 23 avril dernier, prenant connaissance de l'étude menée par l’UFC-Que Choisir qui dénonce les « marges exorbitantes des opticiens, des frais fixes trop élevés et des dépenses marketing inconsidérées", la Fnof publiait sur son blog ce message d'exaspération. Si Alain Gerbel, le président du syndicat, n'a pas voulu, à chaud, se jeter dans l'arène médiatique, il n'en a pas moins rapidement réagi contre cette enquête de l'UFC-Que Choisir qu'il juge "résolument à charge". Suite à cette publication, il a donc invité par courrier Alain Bazot, le président de l’UFC-Que Choisir, « à rencontrer, lors d’un débat public, des acteurs de la filière optique afin qu’il puisse expliquer la façon dont l’étude a été réalisée.» Dans ce courrier adressé en date du 27 avril dernier au président de l'association de consommateurs, Alain Gerbel écrit ceci : « Votre revue a publié dernièrement une enquête sur l’optique dont le contenu et les conclusions nous ont surpris. La Fnof, principale organisation syndicale d’opticiens, n’a pas pour habitude de répondre par médias interposés. C’est pourquoi je vous propose de rencontrer, lors d’un débat public, des acteurs de la filière optique afin que vous puissiez nous expliquer la façon dont vous avez réalisé cette étude. Je me tiens à votre disposition pour définir avec vous les modalités pratiques du débat si vous en acceptez le principe. »
Jusqu'à aujourd'hui, soit plus de deux semaines après l'envoi de ce courrier, Alain Bazot ne s'est pas manifesté. Joint par téléphone ce matin, M. Gerbel s'interroge sur la nature de ce silence radio : "Si l'étude était aussi sérieuse et solide que ça, M. Bazot se serait empressé de nous répondre et de s'expliquer publiquement sur les modalités de cette enquête". Et d'ajouter : "l'UFC Que-Choisir doit aussi rendre des comptes. On n'a pas le droit de salir une profession gratuitement". En absence de réponse de l’UFC Que choisir, le syndicat se réserve maintenant "toutes possibilités de recours devant les instances politiques et judiciaires du pays. »
Optique : la bataille de la marge est engagée
Par Philippe Bertrand | 23/05 | 07:00
Marc Simoncini, fondateur de Sensee, attaque.
Plusieurs enquêtes sont en cours sur les prix.
« Nous nous battrons à la fois sur les terrains réglementaire, juridique et législatif. Nous nous attaquons à ceux qui refusent de nous vendre sans raison. » Marc Simoncini est reparti en croisade. Le fondateur de Meetic fait flèche de tout bois pour faire décoller Sensee, son « opticien en ligne ». Et, par là même, conforter sa réputation de champion de l'économie numérique. Mais les faits sont têtus. Un an après son lancement, Sensee ne réalise que 20 millions d'euros de chiffre d'affaires, uniquement avec les lentilles de contact. « La vente de lunettes n'a pas encore démarré », reconnaît son fondateur. De fait, le commerce électronique ne pèse qu'environ 3 % du marché et se concentre sur le renouvellement des lentilles.
La raison ? Sensee ne parvient pas à bâtir une offre attractive, les grands fournisseurs du secteur rechignant à travailler avec les sites marchands. « Il ne s'agit jamais officiellement de refus de vente, mais d'un système qui nous empêche d'exercer notre activité », affirme Marc Simoncini. Et de citer l'exemple d'un géant italien des montures qui a refusé l'accès de son showroom au personnel de Sensee et qui n'a adressé son catalogue des nouveautés que deux mois plus tard aux acheteurs, lesquels se sont entendu dire qu'il n'y avait plus de produits disponibles. « Quant à Essilor (qui totalise 66 % du marché français selon l'UFC-Que Choisir, NDLR), il n'est pas encore possible de commercialiser leurs produits en en citant la marque ! », raconte Marc Simoncini. « Nos verres complexes nécessitent l'intervention physique en magasin d'un professionnel de la vue », réplique Nicolas de Lambert, directeur d'Essilor France.
Sans marques connues, difficile de mettre en avant le discount rendu possible par le canal Internet aux coûts fixes moins élevés, comme le font Amazon et Cdiscount dans l'électronique. Du coup, la promesse du fondateur de Meetic de « diviser par 2 le prix des lunettes d'ici à 2020 » risque d'être difficile à tenir.
Un réseau pléthorique
Car la bataille pour ce marché de 4,7 milliards d'euros et 12,7 millions de paires annuels porte sur les prix et les marges pratiqués par les opticiens traditionnels. Marc Simoncini a fait réaliser par le cabinet Altermind une étude qui met en doute le fonctionnement concurrentiel du marché. De son côté, l'UFC-Que Choisir a publié en avril une enquête stigmatisant le système de distribution. L'association consumériste pointe des tarifs élevés (470 euros en moyenne pour une paire de lunettes, selon des calculs par ailleurs contestés) et un réseau de magasins pléthorique, 11.400 au total, soit 47 % en plus depuis 2000.
« Cette croissance excède largement l'augmentation des besoins médicaux de la population que l'on peut estimer à 13 % sur la période. Par conséquent, chaque magasin ne vend aujourd'hui que 2,8 paires par jour en moyenne. Une sous-productivité qui se traduit dans les marges brutes prélevées par les opticiens », écrivent les auteurs de l'enquête. Des marges brutes d'environ 70 %. Pour l'UFC-Que Choisir, la conséquence est un budget « lunettes » moyen annuel pour les Français de 75 euros, supérieur de 50 % à la moyenne européenne. Le tout payé à 44 % par les particuliers et à 51 % par les complémentaires santé. Une situation qui a conduit l'Autorité de la concurrence à lancer une enquête sur les montures en 2011 et, dit-on, une autre sur les verres.
Pour contrer l'assaut de l'e-commerce, les opticiens mettent en avant la nécessité d'adapter les lunettes à chaque porteur, notamment pour les verres progressifs - les plus chers - qui représentent 36 % des ventes en volume. « Outre le fait que la mesure de l'écart pupillaire de l'internaute par nos opticiens, n'est pas forcément moins précis que le coup de crayon fait sur le verre par l'opticien en magasin, il faut éviter les amalgames et bien préciser que nous ne souhaitons évidemment pas vendre les verres les plus complexes. En revanche, nous pouvons vendre la plupart des verres unifocaux et une génération de verres progressifs qui ont une tolérance de 4 mm », tempère le fondateur de Sensee.
Les opticiens traditionnels se défendent
Par Philippe Bertrand | 23/05 | 07:00
Pour les enseignes de magasins d'optique, la France n'est pas le pays des lunettes chères.
Qu'il s'agisse d'Optic 2000 ou de Krys, les réseaux de magasins d'optique leaders du marché, ou de leur syndicat professionnel, le Synope, tous affirment que les arguments déployés par Marc Simoncini, le fondateur de Sensee, ou l'UFC-Que Choisir ne tiennent pas.
La rentabilité des magasins n'est pas abusive
Selon le Synope, le taux de marge brute des opticiens est certes élevé facialement - compris entre 55 % et 63 % -, mais la rentabilité nette du secteur se situe entre 5 % et 7 %. Didier Papaz, PDG du groupe Optic 2000, leader du marché avec 1.944 points de vente (dont 1.200 Optic 2000), précise pour son enseigne phare que sa marge brute s'établit à 59 % et sa marge nette après impôt à 7 %. Il justifie le niveau de marge brute par des charges externes, comme le loyer des boutiques, égal à 20 %, et des frais de personnel correspondant à 28 % du chiffre d'affaires. « Nous revendiquons notre statut d'artisans avec en moyenne deux heures et demie passées à la transformation - et non à la seule vente - des verres et au montage des lunettes », poursuit-il. Enfin, « nos magasins emploient en moyenne 4 personnes, pour 680.000 euros de chiffre d'affaires annuel », précise le dirigeant, qui revendique pour son métier le statut d'industrie de main-d'oeuvre.
Les Français font le choix de la qualité
Parler de prix et de marges, c'est bien, mais Jean-Pierre Champion, le nouveau directeur général de Krys, préfère évoquer le budget moyen de dépenses en optique, qui est de 75 euros par an, selon l'UFC-Que Choisir, soit 50 % supérieur à la norme européenne. « Les Français, qui acquittent en moyenne 44 % du coût des lunettes sur leurs propres deniers, achètent des verres haut de gamme, notamment des verres progressifs. Dans d'autres pays, comme les Etats-Unis, où les ventes sur Internet sont plus importantes, on voit encore des doubles foyers. On ne reprocherait pas aux Allemands de choisir des automobiles de haute qualité », explique cet ancien de la Fnac et de Phone House. « La France a inventé le verre progressif et, avec Essilor, bénéficie de verres de plus en plus sophistiqués », renchérit Didier Papaz de chez Optic 2000.
Les opticiens vendent aussi des lunettes bon marché
Si le débat se focalise sur les lunettes équipées de verres progressifs et sur le prix moyen de 470 euros avancé par l'UFC-Que Choisir, le Synope tempère le propos. Le syndicat cite le panéliste GfK, qui indique que 29 % des verres progressifs vendus en France et 21 % des montures le sont à moins de 60 euros l'unité. Pour les montures, le coeur du marché se situe entre 60 et 130 euros (37 % des volumes). Chez Optic 2000, on rappelle avoir lancé en 1994 des lunettes avec verres unifocaux à marque propre pour 61 euros et des lunettes à verres progressifs pour 297 euros.
Le contact avec un opticien permet un meilleur réglage
C'est « l'argument » des responsables de réseaux de magasins d'optique. Centrage des verres, longueur des branches, précision des verres progressifs : les mesures physiques sur le consommateur aboutissent, selon eux, à un confort inégalable. Or elles seraient difficiles, voire impossibles à réaliser à distance.
P. B., Les Echos